« Et je me transforme, je fais le caméléon »

« Tu sais, tu n’as pas a t’inquiéter pour moi. Je n’ai pas le choix de m’habituer à être acceptée dans ce monde. Ce n’est pas toi mais moi qui dois me forcer pour être des vôtres . Ne te plains pas, je ne suis pas si encombrante que ça.

Je me plie en quatre pour rentrer dans les règles même dans les changements improvisés, j’arrive à les gérer. Que demander de mieux ? Je parie que tu n’arriverais pas sans te manifester, n’est ce pas ? 

Depuis très longtemps je me suis habituée à n’importe quelle situation. Que ce soit dans le milieu scolaire ou médical, c’était moi la plus patiente. De toute manière, si je me révolte rien ne me ferait avancer. Alors, je laisse les choses se faire petit à petit.  Prenons le temps qu’il faut. 

Pour résumer, je constate que je suis en quelque sorte un caméléon. En effet, ce petit reptile change de couleur lorsqu’il se déplace d’un endroit à un autre. Moi je ne me colore peut-être pas mais je peux changer mes adaptations de vie à tout moment. »

 

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« Si tu savais... »

 

« Sur la terrasse de mon balcon, je jette un œil sur le paysage de cette ville déserte. J’aime apercevoir l’horizon si bleu en mettant mes bras sur la rambarde. Je ne sais pas si tu entends parler de moi mais sache que tu as raté un bel exploit en quelque mois. Si tu savais comment je suis fière de t’avoir bluffé en ayant mon baccalauréat. Toi qui croyais que je ne pouvais rien faire de ma vie, tu t’es trompé. 

 

Je ne suis pas celle que tu as toujours cru. Je suis une femme, handicapée certes mais avec des rêves en tête. Je ne pourrai jamais être dans un fauteuil à regarder le temps passer. J’ai déjà vécu deux ans complets à me morfondre dans les hostos, je veux profiter de ma vie comme il se doit. Tu as préféré partir, tant mieux pour toi mais ne reviens pas. 

 

J’espère qu’un jour, tu te rendras compte du mal que tu m’as fait pendant toutes ces années, à me poser des tas de questions sur l’avenir.

 

Maintenant, j’aimerais te dire un simple mot qui résume les 20 ans passés à me battre avec ma mère. Des cailloux se sont mis sur notre chemin. Elle aussi, a eu des discours sur mon cas, pas très agréable à son oreille. Néanmoins, elle ne s’est jamais découragée pour me rendre une vie heureuse. Et moi, je n’ai pas baissé les bras pour atteindre mon objectif. »
 

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« L’enfant différente »

 

« Je suis cette enfant qui te regarde te lever de beau matin tandis que je somnole encore. Dans ton parcours de mère, tu te bats pour ton enfant différent et loin que tu l’imagines, tu es comme un exemple de l’humanité. Tu es une femme d’un  caractère fort mais doux à la fois, comme une lionne qui protège son petit. 

 

Je suis cette enfant pratiquement orpheline, qui ne connais pas l’union d’une famille aimante, tu l’as créée toi-même en m’offrant une vie similaire à celle d’un bambin ordinaire. Tu m’as faite grandir avec un sourire qui restera gravé à jamais. 

 

Je suis cette enfant fière d’être auprès d’une mère battante qui peut être tout en une. Tu fais le maximum même si je te vois épuisée. Tu me rends heureuse dans mon combat. Ma vie n’est peut-être pas parfaite mais je l’ai aimée telle qu’elle était. J’ai fait le tour du monde grâce à toi et pu faire des connaissances extraordinaires entre mes semaines de thérapie. J’ai rit, j’ai pleuré, j’ai échoué mais je ne regrette rien. J’ai franchi les limites avec toi. 

 

Je suis cette enfant timide avec les nouvelles têtes. Avec le manque de parole, il est difficile de communiquer ouvertement avec les personnes. Malgré cela, je m’autorise à dialoguer avec elles en leur écrivant. Je suis chanceuse d’avoir réussi à lâcher mes mots sur du papier et tu m’as donné  la possibilité de voir le monde différemment à travers les lignes. 

 

Je suis cette enfant différente qui, chaque jour, croit à l’avenir. Dans les moments difficiles, je relativise et prends un temps de repos pour recharger les batteries. J’essaye de te rassurer dans cette vie de lutte, de marathon. Je ne te dis jamais assez que je t’aime mais il n’y a pas de justification à faire pour prouver mon amour d’enfant. Dans ma courte vie, j’ai déjà vécu beaucoup de choses et j’ai l’impression d’avoir trente ans de plus. Mes expériences m’ont rendue plus forte et c’est avec un grand sourire que je te remercie. Tu m’as également transmis tes capacités, notamment ton analyse sur la vie. Maintenant j’ai mes réponses sur des sujets précis. J’ai ton caractère de femme forte, j’ai ta soif de vivre, j’ai cette âme de guerrière. Dans mon enfance j’ai été déçue, méfiante avec de nombreuses personnes, j’ai quelquefois du mal à enlever ma carapace. A présent je me sens prête à me laisser guider. On me fait confiance et je dois rendre la balle en retour. »
 

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« Maman recto-verso » 

 

« Quelques mots suffisent pour la décrire. Mais il me faudrait des pages entières pour décrire le métier de ma mère. Bien différente des autres parents, elle mérite au moins mille médailles d’argent accrochées à son cou. Elle a fait du chemin pour arriver jusqu’ici avec et sans moi. Il avait fallut qu’elle tombe amoureuse d’un homme  mystérieux avec une touche de lâcheté pour qu’elle puisse me connaître. 

 

Ce n’est de tout repos d’être mère d’enfant en situation de handicap. Mais avec le temps, elle a appris beaucoup de choses grâce à moi. Je sens quelque part une fatigue, même si elle me dit qu’elle a la forme, il y a de la pluie qui inonde son cœur.

 

Ma mère, c’est aussi mon père. Elle est tout en une. On ignore son quotidien si éprouvant puisqu’elle reste discrète. Entre les impératifs du quotidien, elle est en mouvement. Quelquefois le calme revient et cela lui fait du bien. Mais attention, quand elle a fait le plein d’énergie, elle est comme une pile électrique. 

 

Être maman « recto verso » est un super pouvoir. J’ignore combien d’enfants ont une mère comme la mienne mais une chose est sûre, elle ne lâche pas le combat. Je suis en quelque sorte son binôme. Lorsque je vois un orage à l’horizon, je le laisse passer et ne cherche pas à me battre pour apaiser la tornade. J’accueille à mon tour le reste de pluie qui n’est pas encore passé au dessus de la maison. Ce n’est qu’un mauvais passage à franchir avant de repartir sereine, en légèreté.

 

En même temps, je comprends son agacement. Elle fait tout même le ménage. Elle m’emmène chez le kinésithérapeute, l’orthophoniste, en rééducation intensive, elle pouvait être taxi. Elle soigne les bobos, elle pouvait être médecin. Elle est à l’écoute, elle pouvait être thérapeute. Elle fait de bons petits plats, elle pouvait être chef cuisinière.

 

Avant tout autre chose, elle est maman. C’est le plus beau métier qui peut exister. Le don de mettre au monde un enfant différent, doit être aussi méritant. Elle pouvait m’abandonner comme l’a fait mon géniteur mais elle ne l’a pas fait. Ma mère est tout simplement battante comme je le suis. On devrait faire de notre vie un livre ou même un film.

 

Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des grands parents aimants mais cela ne vaut pas tout l’or de ma mère. Et puis, étant donné que je suis comme elle, je serai peut-être une maman « recto verso » à mon tour. Mon enfant aura peut-être un père, une mère, une grand-mère « recto verso ». 

 

Enfin, ce ne sera pas le cas mais je peux espérer avoir une vie normale avec une grande touche d’amour comme me l’a donné ma mère. »

 

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Date de dernière mise à jour : 03/10/2024

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